Mon vécu en informatique

Des débuts peu prometteurs

Mon premier contact avec l'informatique a été plutôt rugueux... C'était au lycée au milieu des années 80, en classe de première si mes souvenirs sont exacts.

On nous a fait faire de la programmation en binaire sur un engin antédiluvien sans doute moins puissant qu'une calculatrice évoluée. Le professeur appliquait le programme officiel du Ministère de l'Education mais n'avait sans doute pas de grande affinité avec l'informatique et n'était d'aucune aide.

Bref, j'ai du du passer au moins 2 heures à essayer de coder un pauvre programme qui devait faire un truc basique, du genre calcul d'un tableau d'amortissement linéaire, et en ne comprenant pas grand chose à ce que je faisais : le binaire c'est quand même pas le plus simple pour commencer, le "truc" n'avait même pas d'écran, un clavier de calculatrice, et aucun périphérique de stockage si mes souvenirs sont bons.

Après ces deux heures, j'étais définitivement dégouté de l'informatique.

Puis l'étincelle divine survint !

Heureusement, un peu plus tard dans l'année, un autre professeur, féru d'informatique celui-là, nous a donné nos premiers vrais cours : on a appris les bases du langage Basic et programmé des séries d'applications de plus en plus élaborées, dans le domaine de l'informatique de gestion.

L'ordinateur c'était un LEANORD SIL'Z.

Il tournait sous CP/M, un des tout premiers système d'exploitation, en ligne de commande bien sur, ayant existé sur les ordinateurs personnels de l'époque.

On avait un écran en mode texte bien entendu, de 80x25, deux lecteurs de disquette 5 1/4, et même une imprimante, le luxe quoi !

Il existe une anecdote célèbre qui raconte que CP/M aurait du être le système d'exploitation des premiers IBM PC. Mais son propriétaire a snobé IBM qui du coup s'est replié sur un truc tout pourri bricolé au fond d'un garage, et vendu par un dénommé Bill Gates : MS/DOS. Microsoft venait de remporter son premier gros marché et pouvait commencer à fourguer ses produits de mauvaise qualité à grande échelle.

Sur cet ordinateur, outre la programmation en Basic, on disposait d'un tableur. Je peux me vanter d'avoir travaillé avec la première version de Multiplan, l'ancêtre d'Excel, sous CP/M (l'ancêtre de MS DOS). Il n'y a pas beaucoup plus vieux, je crois qu'avant Multiplan il n'y a eu que VisiCalc, l'ancêtre de tous les tableurs.

Ma passion des tableurs provient de là. Par la suite, j'ai brillé dans l'utilisation d'à peu près tous les tableurs ayant existé : le légendaire Lotus 123, les versions modernes de Multiplan, Quattro de Borland, Framework, et d'autres encore dont j'ai oublié le nom. Mais bizarrement, je n'ai développé une expertise sur Excel que bien plus récemment (j'ai quand même fait l'effort de me mettre au VBA, en me pinçant le nez), et encore je ne suis qu'un petit joueur quand je vois tout ce que certains arrivent à faire avec.  

Bref, je me suis pris de passion pour la programmation. Tous les samedi matin, je prenais ma mobylette et je faisais une dizaine de kms pour aller faire de l'informatique au Lycée où un professeur me laissait accès aux machines (bien sur je n'avais pas les moyens d'avoir moi même un ordinateur). 

Plus tard, j'ai pu emprunter un rustique CPC 464 qui disposait d'un Basic bien plus évolué et programmer de nombreux jeux : l'époque du Peek and Poke !

Informatique ou gestion ?

Dès le collège j'avais choisi de passer un bac de comptabilité, car je comptais bien travailler le plus tôt possible. Mais bien sur, une fois le bac en poche, la crise étant passée par là, ce n'était plus suffisant. Du coup, je me suis inscrit en IUT pour passer un Bac+2 de gestion. 

Et il se trouve que l'IUT de Troyes était richement doté en salles informatiques avec des IBM PC flambants neufs, et que certains professeurs emblématiques de cet établissement étaient des fondus d'informatique. L'informatique occupait donc une place importante dans nos divers enseignements.

Du coup, j'ai pu laisser libre cours à ma passion pour la programmation.

Et après avoir obtenu sans difficulté mon DUT GEA, quand j'ai à nouveau choisi de prolonger mes études, j'ai hésité entre informatique et gestion. 

Je n'ai pas tranché et je me suis inscrit en troisième année, pour un DU d'Informatique appliquée à la Gestion : un mix de deux disciplines en quelque sorte. 

Ce DU était dispensé conjointement par l'IUT et une Ecole de Commerce. Ce n'était pas de la grande informatique, il m'est même arrivé de virer un prof du tableau et de prendre temporairement sa place pour corriger ses erreurs, et c'était plus destiné à donner un bagage informatique à des cadres de gestion qu'à former des informaticiens. Mais ça m'a permis par la suite d'être crédible pour chercher du travail dans le domaine de l'informatique.

En terme de technologies, après le gwBasic d'IBM je suis rapidement passé au légendaire Turbo Pascal de Borland dont je suis devenu un expert. Du Fred (langage de programmation de Framework), bien sur du shell script Dos et quelques autres trucs.

C'était aussi l'époque de non moins légendaire dBase III+, mon premier contact avec les bases de données. et de Clipper sa version compilée.

Mes deux premiers développements professionnels datent de cette époque : un logiciel de calcul de la paye des ouvriers chez Michelin (stage de fin d'étude), et une série de tableaux financiers complexes pour les arrêtés annuels du groupe Devanlay (un important groupe textile à Troyes).

Pour la petite histoire, quand j'ai travaillé pour le groupe Devanlay j'ai été payé en liquide et au noir. Quelques années plus tard je racontais cette anecdote à la patronne d'un cabinet de recrutement à Paris, et il s'est trouvé qu'elle était de la famille propriétaire du groupe et ça l'a bien fait rire.

Mes premières années en SSII avec Paradox

Mon DUIAGE en poche, j'ai réussi à décrocher un premier emploi comme développeur dans une petite SSII en création sur Troyes. 

J'y ai produit quelques belles applications de gestion pour diverses PME avec le logiciel Paradox (une petite base de données et un langage de programmation associé). 

Ce qui était vraiment bien, c'est que j'étais totalement autonome et je gérais les projets de A à Z : conception, développement, installation, formation, suivi post-production etc.

J'ai continué à développer une très forte maîtrise de ce produit, au fil des version, dans diverses sociétés. Sans me vanter, j'étais sans doute un des meilleurs experts au niveau Français sur le produit. 

Cette expertise m'a valu assez rapidement d'encadrer mes premières équipes de développement, et de mener des activités de conseil et de formation.

Ce langage, le PAL, m'a fournit l'occasion d'un premier changement de paradigme avec l'arrivée des techniques de programmation événementielle, et de mes premiers émois en programmation réseau.

J'ai également fait un peu d'administration réseau Novell Netware à cette lointaine époque où les réseaux locaux commençaient juste à se répandre.

Les études d'informatique

Je me suis vite trouvé coincé en terme d'évolution du fait que je n'avais pas de diplôme d'informatique reconnu. J'en ai eu assez de voir me passer devant des jeunes diplômés à qui papa et maman avaient payé une école d'ingénieur plus ou moins bidon. J'ai repris mes études à la fac de Paris Dauphine et passé une MIAGE (Maîtrise en Informatique de Gestion)

Ce n'était pas mon premier choix mais finalement j'ai eu le nez creux car j'ai obtenu un diplôme très recherché ce qui m'a permis de relancer ma carrière. 

Enfin, j'ai quand même appris des choses : je me suis mis au C, j'ai appris les bases du paradigme objet en pratiquant le C++ (j'ai adoré), j'ai grandement amélioré mes compétences en système (Unix) et réseau (TCP/IP), j'ai étudié la méthodologie incontournable de l'époque à savoir Merise...

Le client/serveur

Les architectures informatiques évoluent continuellement. Le client/serveur a pris son essor, et j'ai suivi le mouvement.

Mon long passé en base de données m'a permis de me mettre sans difficulté au SQL et à la modélisation des bases de données relationnelles. J'ai surtout travaillé avec les logiciels d'Oracle sur lesquels j'ai développé une expertise conséquente, mais j'ai eu l'occasion de toucher à la plupart des moteurs. Voilà pour le côté serveur. 

Pour la partie cliente, j'ai eu le grand bonheur de devenir expert en Delphi, le meilleur outil de développement que j'ai connu dans ma carrière. 

La connaissance de l'objet acquise avec le C++, et mon passé de développeur Pascal (Delphi est basé sur une version Objet du langage Pascal) m'ont bien aidés. 

Parallèlement à mes activités purement techniques, j'ai continué à faire de la gestion de projet et à encadrer des équipes. Typiquement, je faisais les spécifications, la modélisation de la base de données, la mise en place de la structure principale et des normes de développement, puis je distribuais les différents travaux, contrôlait l'avancement et la qualité, plus le suivi budgétaire et le reporting.

Le virage Internet

Nous voilà à la fin du 20éme siècle. 

Depuis déjà presque 10 ans, j'ai digéré tous les considérables changements technologiques qu'a connus l'informatique, via une formation constante.

Mais le plus gros changement restait à venir avec la généralisation de l'usage d'Internet.

En 1999, j'ai choisi d'intégrer SQLi, une société alors réputée pour son excellence technologique et son rôle de précurseur sur Internet. 

Alors que depuis un certain temps déjà, je me focalisais sur le pilotage de projet plus que sur la technique, j'ai fais le choix de mettre temporairement à nouveau les mains dans le cambouis  : je voulais comprendre les choses en profondeur avant de piloter des équipes.

J'ai connu les années glorieuses et j'en ai bien profité même si j'ai du y laisser un peu de ma santé. Puis la bulle a éclaté, ça devait bien arriver; et on est revenu à la raison. 

Java, JEE, la POO

Dès le début 2000 je me suis formé à Java, JEE viendra un peu plus tard. Puis sont venus très vite les sujets qui font tout le sel de l'objet : la modélisation en UML, les design patterns, les multiples librairies et frameworks open source.

J'ai développé de nombreux frameworks, à une époque où on ne disposait pas de tous les outils actuels, bref je devins architecte logiciel.

Après quelques années, j'ai remis ma casquette de chef de projet, j'ai continué à m'intéresser à la technique mais en mettant plus l'accent sur les outils de productivité : outils de build, de test automatisés, les gestionnaire de code source, les chaînes d'intégration continue etc.

Les dernières tendances technologiques me réjouissent car elles me semblent aller dans le bon sens, celui du pragmatisme et de la simplification après des années de complexité inutile dans l'écosystème jee. Elles m'amusent également car j'ai l'impression très nette qu'on revient au client/serveur, avec des bases techniques ouvertes : une boucle sera bientôt bouclée.

L'expertise en pilotage de projet

Les projets que je gérais représentaient désormais des budgets de plusieurs centaines de millier d'Euros, avec des équipes nombreuses, le recours à l'offshore, des sous traitants ... 

Une caractéristique importante des projets web est la multitude de métiers impliqués dans un projet, chacun avec son vocabulaire et ses problématiques : les agences de communication, les designers web, les architectes logiciels, les architectes système et réseau, l'hébergeur, les exploitants, sans oublier bien sur les métiers. 

Je continuais à suivre l'évolution des technologies mais avec un objectif différent : il ne s'agissait plus d'être opérationnel, mais d'identifier les avantages/inconvénients de tel ou tel choix, les opportunités, les cas d'usage. Et accessoirement de ne pas me faire mener en bateau par les multiples intervenants que je coordonnais. J'ai élargi mon scope et ne me suis plus limité plus aux problématiques purement software, je suis amené à comprendre un peu tout, à tous les étages du projet et du SI.

Les exigences en terme de pilotage ont grimpé de plusieurs crans, le simple bon sens pratique ne suffisait plus et je me suis investi, un peu par obligation il faut le dire, sur le cadre méthodologique apporté par CMMI. 

La gestion d'un centre de profit

Après toutes ces années passées en SSII à collaborer avec des profils très variés, j'ai développé un goût prononcé pour la gestion des ressources humaines. 

Il m'a permis de prendre des fonctions RH transverses avec l'objectif de développer les compétences de nos meilleurs éléments. 

Puis un jour, j'ai proposé la mise en place d'une direction technique afin d'optimiser l'utilisation de nos moyens de production et d'améliorer notre efficacité opérationnelle. Je faisais le constat d'une gabegie considérable et de dysfonctionnement nombreux, je voulais améliorer les choses pour redonner un élan à la société et l'envie de s'investir aux collaborateurs.

De fil en aiguille je me suis retrouvé à piloter un centre de profit avec une quinzaine de collaborateurs de haut niveau directement rattachés, avec pour objectif de développer des activités à haute valeur ajoutée, tout en poursuivant plus ou moins mon objectif initial d'amélioration de notre organisation.

J'ai bénéficié de l'opportunité offerte aux "keys people" de passer une Master II à EML Lyon, une business school réputé. Un diplôme de plus mais surtout un approfondissement des qualités nécessaire pour faire un bon manager. J'ai toujours managé des équipes en mode projet, mais manager des collaborateurs de façon verticale c'est différent.

Las, la politique est entrée en jeu, après une n-iéme réorganisation, résultant d'un n-iéme changement de direction, résultant de décisions hors de ma portée, j'ai jeté l'éponge : la bourse à ses raisons que la raison ignore... 

il ne reste plus grand chose de la brillante société d'ingénierie que j'ai connu, les valeurs humaines ont disparues, les personnalités marquantes ont fui, les problèmes de gouvernance sont partout.

Après une période de quelques mois de profond ennui, j'ai finit par quitter le bateau sans regrets. J'ai des gros doutes sur la pérennité de la société mais ce n'est plus mon souci désormais, je vogue pour ma part vers de nouvelles aventures...

Freelance > Enjeu Digital

J'ai eu quelques souci de santé, comme par hasard juste après avoir quitté mon dernier emploi, et j'ai du me mettre au vert quelques temps. 

J'en ai profité pour lire beaucoup, sur le management, les technologies, l'économie du web, et réfléchir à ce que j'allais faire par la suite.

Ces problèmes sont maintenant derrière moi et j'ai créé en 2016 mon entreprise : "Enjeu Digital" pour travailler en freelance.

Les conditions étaient réunies pour me permettre de me lancer sans prendre de gros risque. Puis je n'avais pas forcément envie de reprendre une position de salarié, je connais bien le milieu des SSII et j'avais envie de quelque chose de différent et me permettant de développer des compétences dans d'autres directions.

Et je n'ai pas de regret.  En particulier, être intégré aux équipes internes d'une DSI et participer aux premiers mois d'exploitation, dans le contexte du démarrage d'une nouvelle activité, a été pour moi une nouveauté très enrichissante.

J'ai participé à de beaux challenges, développé des nouvelles compétences (Cloud Azure, Docker, Kubernetes). Et j'ai surtout élargi encore mon domaine de compétences en travaillant sur des problématiques d'architecture et des activités d'exploitation, ce qui était nouveau pour moi : j'avais fait toute ma carrière en ssii dans le domaine des études où je me "contentais" de délivrer un produit, sans forcément être très impliqué sur son environnement d'exploitation, ni son exploitation proprement dîte.

A suivre sur linkedin